Being Kachou

« Hé ! Mad’moiselle, tu veux pas aller chez moi, fumer mon cigare a moustache ? », cette poésie parisienne, mélangée à du banlieusard en survêtement Lacoste a bercé ma vie durant 24 ans. Pendant 24 ans j’ai été donc conditionné à entendre des doux mots tel que : « salope » « laisse-moi bouffer ta chatte » ou encore « j’arrache ta culotte avec ma bite en métal ». Ces mélodies enchanteresses m'ont toujours émoustillée...

Mais à 24 ans, j’ai décidé de prendre mon envol et de partir en terre inconnue, qu’on appelle Toronto – à prononcer trɒnoʊ - mais j’allais être confronté à une chose que je n’avais encore jamais expérimenté auparavant le « Eye Contact » - rien à voir avec des lentilles de contact qui se disent contact lense – ou encore le « Contact Visuel » - beaucoup moins sexy en version française.

Sur le papier le concept est simple tu regardes des gens que tu croise dans les yeux – j’entends bien sur le papier.

Quelques heures après ma descente d’avion je pars à la découverte de la ville et de ses autochtones, marchant le long du lac, un jeune homme me croise et me fixe dans les yeux le temps que nous nous croisions, premier réflexe « où est mon putain miroir de poche, je dois avoir un truc sur le nez ou autre… Ahhhh pourquoi mon sac est si profond ?!? » Après 56 secondes à fouiller de manière acharnée dans mon sac – de fille – j’ouvre mon petit miroir de poche et « Ahhhh » cri de panique, ayant 7 h d’avion dans la gueule et un cruel manque de sommeil je ne ressemble à rien.

Qu’est-ce que me voulait ce jeune homme ? Me trouvait-il à son gout ? – avec la gueule que je me tapais même Ribéry était plus attractif que moi – Est-ce qu’il m’a confondu avec quelqu’un d’autre ? – Kachou est unique « bitch » (Kanye West sort de ce corps). Ce jeune m’a regardé dans les yeux si intensément, c’était comme si ses yeux voulaient voir ce que j’avais dans mes yeux – Oh mon Dieu, c’était un marabout blanc qui voulait m’envouter. Je me suis sentie violée des yeux et sale après cette expérience, qui m’a vraiment fait froid dans le dos.

Quelques jours plus tard, je pars me balader mais cette fois ci accompagnée d’amis – toujours avoir des témoins dans ce genre de situation. On croise une bande de jeunes hommes propres sur eux portant des bermudas, l’un d’entre eux me fixe dans les yeux, tout de suite coup de coude à mon ami pour lui prouver que je suis pas folle, sa réaction fut curieusement inutile « Je pense, qu’il pense – déjà il pense c’est déjà ça - que tu es une fille connue, genre t’es la sœur de Beyoncé ! » - c’est vrai que la ressemblance entre Solange Knowles est extraordinairement frappante, surtout dans le noir.

L’usage d’un ami n’ayant été d’aucune utilité, j’enfile mon chapeau d’inspecteur Kachou – bandits et voleurs faites attention Kachou « is in the place ».

Première tache, trouver un canadien et lui poser la question – en théorie finger in the nose. J’approche un des canadiens avec qui je travaille « does the eye contact mean anything ? » - bon c’est sûr que vue comme ça ma question parait un peu débile. Sa réponse fut assez surprenante « it means that you are looking at someone or someone is looking at you » - yeux à demi écarquillés, ma tête qui se balance de haut en bas et ma bouche qui fait la moue résume très bien l’effet qu’a eu sa réponse – inutile – sur moi « Euuuuhhh I see…. ».

Partons sur le terrain, là où je vais trouver ma réponse à ma question « does the eye contact mean anything ? ».

Afin d’être le plus efficace, j’adopte aussi le « eye contact » tout en me baladant je regarde les gens qui m’entourent, hommes, femmes pas de discrimination – je vous rassure à Toronto il n’y a pas de crottes de chiens du coup pas de risque d’humiliation au caca. Par contre petit conseil quand il y a du soleil le eye contact est beaucoup moins facile et extrêmement dangereux pour la rétine – vous n’avez qu’une seule paire d’yeux prenez en soin. De manière très naturelle je commence mon balayage d’eye contact. Je distribuais des eye contacts à tout va, même les chiens, les oies sauvages et autres écureuils avaient le droit à leur dose de eye contact. Je me sentais telle une hippie durant les années 70 à donner de l’amour à des inconnus.

Après 2 heures de pratique intensive, j’ai remarqué plusieurs types d’eye contact :

- Le coup d’œil – furtif mais efficace du genre « Ah merde, elle/il a vu que je l’ai eye contacté… ».

- Le coup d’œil et demi – moins furtif mais toujours aussi efficace « Ah merde, elle/il m’a vu mais attends je vais re eye contacté vite fait, zut elle/il m’a vue ».

- Le double clin d’œil – la personne veut s’assurer d’avoir bien vue vos yeux et qu’ils ne sont pas des yeux volés.

- Le regard fixe – celui-ci est le plus commun et dure environ 2 à 3 seconde il peut être conscient ou inconscient et il est difficile de détecter si c’est un signe d’intérêt.

- Le sourire d’yeux – clairement un signe d’intérêt ou alors votre voisin qui vous sourit ou alors vous avez un truc sur la face.

- Le eye fuck – premier niveau de regard louche « Hummm you are sexy and you know it ».

- Et pour finir le seul et l’unique regard de vicieux, celui qui fait froid dans le dos et vous donne des cauchemars la nuit et le jour, celui qui vous transperce les yeux et vous n’attendez qu’une chose c’est de vous arracher les yeux.

Malheureusement mon enquête n’a pas eu l’effet escompté, j’ai pu découvrir et analyser les types d’eye contact sans en trouver le vrai sens…

4 ans plus tard je fais la connaissance d’une française fraichement débarquée à Toronto et elle dit « c’est marrant mais les gens ici ont une certaine tendance à te regarder dans les yeux, c’est assez perturbant, sais-tu pourquoi ils regardent les autres comme ça dans les yeux ? » ma réponse fût la même que celle reçue il y a 4 ans « ils regardent juste les gens dans les yeux pour les regarder c’est tout… »

Bon j’avoue, depuis que je suis arrivée à Toronto, la douce musique du parisien banlieusard qui drague me manque, du coup je vais de temps en temps sur Paye ta Shnek, car un eye contact ne remplacera jamais un « Hé, tu veux boire un verre ? … Oh ! Vas-y sale pute, je t’embroche comme un gros kebab ! »